Sans-diplôme fixe : les déclassés

Sans-domicile fixe ou sans-diplôme fixe ? La question se pose avec l’apparition d’une nouvelle catégorie de précaires, des SDF titulaires de diplômes de l’enseignement supérieur

La misère du monde
n’a jamais empêché personne de dormir. Sinon, nous serions tous insomniaques (crédit photo : Roger Gay).

Même si elle est déjà ancienne, l’enquête publiée dans la revue Économie et statistique (Insee, n° 488-489 du 28 sept. 2016) par Philippe Cordazzo et Nicolas Sembel mérite d’être remise en lumière. Ils se sont attachés à comprendre « pourquoi les diplômes ne protègent plus, dans certaines conditions, de la grande précarité ». Les travaux de ces deux universitaires s’appuient sur les chiffres d’une étude antérieure publiée en 2012.

Le diplôme n’est plus une valeur sûre

Au vu de leurs travaux, il apparaît que l’ascenseur social est bel et bien cloué au rez-de-chaussée pour certaines catégories sociales. La population étudiée s’élève à 66300 personnes, parmi lesquelles 6600 SDF*. Il s’agit d’hommes seuls pour la plupart (les deux tiers), des urbains sans famille et sans enfant (pour les deux tiers aussi), âgés pour presque la moitié de 30 à 49 ans et « issus des catégories socioprofessionnelles (du père) défavorisées, seuls 10 % étant de catégorie favorisée ».

La précarité concerne aussi le monde étudiant

Circonstance aggravante, il apparaît que la paupérisation du monde étudiant a joué un rôle non négligeable dans la fragilité de cette population : « Parmi les sans‑domicile sortant du supérieur, nous avons pu estimer que 14 % ont connu une première situation de sans‑domiciliation au cours de leurs études. Cette valeur varie de 6 % pour les diplômés à 31 % pour ceux ayant fait des études supérieures mais non diplômés. »
Autre source d’inquiétude, pratiquement un quart des sans-domicile exerçaient un emploi au moment de l’enquête. Le travail ne joue donc pas le rôle qu’on lui prête ordinairement, à savoir une première étape pour sortir de la précarité.

*  3 200 nés en France, 3 400 à l’étranger.